143 adultes confirmés à la cathédrale Notre-Dame d’Amiens

Le dimanche 19 mai 2024, fête de la Pentecôte, 143 adultes ont été confirmés à la cathédrale Notre-Dame d’Amiens par Monseigneur Gérard Le Stang.

L'homélie de Mgr Gérard Le Stand, évêque d'Amiens

« Chers frères et sœurs,

Recevant le témoignage des apôtres, emplis d’Esprit Saint, à Jérusalem, au jour de la Pentecôte, les gens s’exclament : Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? La langue maternelle, c’est la langue de notre enfance, celle de notre cœur, avec laquelle nous crions et prions, et parfois agonisons parce qu’elle fait corps avec nous. Dieu vous a atteint, vous aussi, à l’intime, par votre langue maternelle, parfois même en songes. Cela vous a fait passer, -vous me l’avez écrit -, par des conversions inattendues : une libération de vos addictions, la guérison d’une dépression, des torrents de larmes, un apaisement espéré, une lucidité sur votre péché, une confiance nouvelle face à l’avenir, une réconciliation avec le passé, la joie de pouvoir rejoindre ce que vit votre conjoint ou vos enfants, et tant d’autres phénomènes qui vous ont fait dire : « Mon Dieu, tu es là, tu m’aimes sans me juger ».

Te connaître, me connaître – voilà qui va ensemble, selon Saint Augustin. Celui-ci, découvrant la présence de Dieu dans sa vie, comme beaucoup d’entre vous, s’exclame et prie ainsi dans ses Confessions :

« Ô Beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimé ! Et voici, tu étais au-dedans de moi, et moi au-dehors (…). Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi (…). Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité. Tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, et j’ai respiré et haletant, j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix » (Saint Augustin, Confessions 10,27).

Ainsi donc, touchés par cette grâce du Seigneur, prenant votre courage à deux mains, vous avez frappé à la porte de l’Église, en vous disant, comme Saint Paul, un autre converti : Eh bien, puisque l’Esprit est notre vie, marchons sous la conduite de l’Esprit (Ga5,25). Certains d’entre vous, du reste, – je ne trahis aucun secret (rassurez-vous) -, comprennent bien Saint Paul quand, dans les mots de son temps, il cite « des actions auxquelles mènent la chair » : inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haine, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre. Paul n’y va pas avec le dos de la cuillère, et appelle un chat un chat. Nous pourrions, nous aussi, ajouter des vices modernes qui abiment la vie plutôt que la faire grandir et la rendre belle. En citant cela, Paul est ainsi lucide mais il sait aussi que Dieu ne juge pas notre passé. Il nous en libère. D’un mal il tire un bien. Dès le commencement, il était avec nous, auprès de nous. Saint Paul est réaliste sur les dérives dont nous sommes capables – comment ne pas l’être ? – mais plus encore, il sait à quel bonheur nous conduit la vie dans l’Esprit.

En effet dit-il, dans ce verset de la lettre aux Galates, que je vous invite à connaître par cœur, le fruit de l’Esprit Saint est amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi (Ga 5,22). L’Esprit Saint se donne au présent, il guérit notre passé, et illumine notre avenir. Toute notre histoire est saisie dans son amour. Ce n’est plus le sentiment d’être victime ou coupable qui alourdit notre mémoire, ce n’est plus l’angoisse ou l’inquiétude qui obscurcit notre vision d’avenir. C’est d’abord, cette « lumière de sérénité » (encore Saint Augustin) que Dieu déverse dans nos cœurs au présent, et qui nous fait envisager les combats de l’existence – et ils sont parfois nombreux, ces combats – dans la lumière de la Résurrection. Alors, oui, Saint Paul a bien raison : puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit.

Vous en êtes bien conscients, vous ne seriez pas ce jour en cette lumineuse cathédrale, au cœur de notre diocèse d’Amiens, pour être confirmés, si vous n’aviez pas rencontré les Pierres Vivantes qui font l’Église. Vous l’avez tous dit et écrit, vous ne seriez pas là si vous n’aviez pas rencontré des chrétiens, si vous n’étiez pas entrés dans des églises accueillantes, si vous n’aviez pas vécu des célébrations ferventes, des prières profondes. Vous ne seriez pas là si vous n’aviez pas rejoints des communautés, des aumôneries, la Mission Saint Leu, des équipes. Vous ne seriez pas là si vous n’aviez pas été émus par des grands-parents fidèles, un conjoint priant ou des enfants émerveillés, ou par des prêtres « au cœur de roi » (comme on me l’a écrit), dont la parole vous a relevés ou apaisés, par des diacres qui ne la ramènent pas, ou des sœurs attestant que « le bien ne fait pas de bruit ». Vous avez rencontré l’Église : elle était là pour votre baptême, elle était là pour les grandes joies et les grandes épreuves de vos vies. Des laïcs, des prêtres, vous ont accueillis, éclairés, accompagnés, guidés, sauvés même parfois. Vous avez rencontré l’Église, non pas celle qu’on caricature si souvent dans les média ou celle sur laquelle on disserte dans des réunions stériles, mais l’Église réelle, des hommes et des femmes qui humblement prient et partagent la foi qui les habite et les brûle comme un feu qui ne s’éteint jamais. Vous avez rencontré l’Église, notre Église si pauvre parfois, et si imparfaite mais si belle dans le fond : une communauté de la confiance et de la liberté, une communauté de pécheurs pardonnés dont la seule raison d’être est de témoigner de Jésus Sauveur, de l’adorer et de le donner au monde, comme Marie, ouverte à l’Esprit Saint, a donné Jésus au monde. Ces chrétiens que vous avez croisés, ont été pour vous des priants, des frères et sœurs aimants. Au fond, ils ont été des envoyés de Dieu lui-même.

Et voilà que vous venez d’entendre la parole de Jésus dans l’Évangile qui vous dit comme il l’a dit à ceux qui étaient avec lui « au commencement » : Et vous aussi, vous allez rendre témoignage… Vous aussi, – et certains n’ont pas attendu ce jour pour le faire – vous allez révéler au monde un peu de la vérité de Dieu, grâce aux dons et aux charismes que Dieu infuse en vous. Comment ferez-vous ? A vrai dire, je n’en sais rien. Je ne suis que l’évêque, chargé de présider la communion de tous les baptisés ! C’est une affaire entre vous et le bon Dieu. Il y a dans l’Église, égalité de tous les baptisés, et chacun reçoit sa part de l’Esprit pour le bien du Corps entier. Comment allez-vous faire du bien au Corps entier de l’Église ? Ouvrez votre cœur aux appels que vous entendrez, dans la simplicité de vos relations ; placez-vous à la croisée des chemins ; demandez à Dieu de vous éclairer ; priez et méditez la Parole ; prenez vite le rythme de l’eucharistie, soyez justes et bons envers les pauvres. Peu à peu, Dieu vous éclairera sur votre mission dans le monde, avec son Église. Certains d’entre vous sont des adultes jeunes qui n’ont pas encore fait leurs grands choix de vie. Il y a lieu, dès lors, de réfléchir sur votre vocation : avancer vers la joie du mariage ? Entendre une voix qui fait résonner autrement le « suis-moi » de Jésus, pour une consécration de vie, un appel au sacerdoce ? Laissez-vous surprendre par les appels de l’Esprit Saint. Une nouvelle génération de chrétiens émerge, bien différentes des précédentes. C’est la vôtre.

En confirmant hier 68 lycéens dans cette cathédrale, je me suis permis de citer la lettre de l’un d’entre eux, brève. Je voudrais finir avec cette même lettre d’un jeune de 15 ans. Je crois qu’elle peut parler à tous, jeunes ou anciens, et qu’elle nous rend pleins d’espérance sur l’avenir de notre Église :

« Lorsque j’ai fait ma profession de foi, j’ai eu un profond désir d’aller plus loin dans ma foi, et ce désir m’a poussé à me préparer au sacrement de confirmation. Aujourd’hui, je suis fier de pouvoir dire que je suis prêt à recevoir ce sacrement. Depuis la première rencontre pour la préparation à la confirmation, ce désir que j’avais eu après ma profession de foi me revînt, ce désir qui est pour moi la source de la force qui me permet de me lever chaque jour, le pilier qui m’aide à rester sur le droit chemin, et l’espoir de pouvoir être un jour auprès de Dieu. Ce désir qui n’avait pas de nom, en avait bien un : « Esprit Saint », et aujourd’hui, je ne demande qu’une seule chose, c’est de faire un pas de plus avec lui en faisant ma confirmation ».

Il n’y a rien à ajouter à une telle lettre. L’Esprit Saint est bien la présence en nous du désir de Dieu. Il est donc temps maintenant de dire que nous croyons en Lui et d’accueillir sa présence au milieu de notre assemblée. « Viens Esprit saint, viens embraser nos cœurs, viens au secours de nos faiblesses ».

Amen.