Faut-il aller manifester ?

Faut-il aller manifester ?

La question m’est souvent posée : « Faut-il aller manifester, Monseigneur, que devons-nous faire ? » Je comprends cette question. Et dans le même temps, elle m’étonne.

Je la comprends. Le projet de révision des lois de bioéthique actuellement débattu à l’assemblée soulève de très graves questions. Les évêques de France ont déjà eu l’occasion de dire publiquement leur inquiétude . En touchant à la dignité de la personne humaine, de la génération, du corps, de la filiation, de la création et de la médecine, c’est le respect de tous et de chacun, en commençant par les plus vulnérables, qui est en cause. Le bien commun, la fraternité et le projet de Dieu sont ainsi menacés.

Les chrétiens, comme citoyens et comme baptisés, doivent prendre part au débat public. S’engager pour le bien commun est une responsabilité liée au baptême. Dans cette perspective, ils s’interrogent sur la meilleure manière de partager leurs convictions et faire entendre leur voix.

Je comprends d’autant plus la question posée qu’on ne peut que s’étonner du fait que les résultats des états généraux de la bioéthique voulu par le Président de la République ne semblent pas avoir été pris en compte.

Dans le même temps, cette question m’étonne. Le rôle d’un évêque en ce genre de situation est multiple :

– nourrir la réflexion des baptisés et chercher avec eux dans un dialogue authentique les chemins de la vérité, du bien commun et de la dignité de tous à commencer par les personnes les plus vulnérables, à la lumière de la raison, de l’Evangile et de la tradition de l’Eglise ;

– stimuler les chrétiens dans un témoignage de vie clair et cohérent dans un monde souvent en décalage avec l’Evangile;

– ne sacrifier ni la vérité à la charité, ni la charité à la vérité ; garantir la communion de l’Eglise (aussi bien de l’Eglise qui est dans la Somme qu’avec l’Eglise universelle).

En revanche, si l’évêque doit encourager les chrétiens à se manifester, le discernement des moyens opportuns pour prendre part au débat public ne lui revient pas. Il revient à chaque baptisé d’en discerner. Qu’ils aient sur ces moyens des avis différents, cela me parait plutôt bon signe. La communion de l’Esprit n’est pas uniformité.

Que faut-il donc faire ? Sans doute, tous nous engager dans la prière, l’information et le témoignage de vie. Un certain nombre de chemin se présentent. Certains sollicitent leurs députés et sénateurs : je ne peux que les encourager. Certains organisent débats et formations pour discerner les enjeux d’un tel projet : je ne peux que les encourager. Certains pensent utile d’user de leur droit de citoyen de participer à des manifestations, je ne peux que les encourager. A tous, je demande cependant deux choses : il est important de réfléchir aux enjeux évangéliques des moyens disponibles, et d’accepter que nul ne puisse à lui seul les porter tous ensemble.

Alors engagez-vous selon ce qu’il vous semble bon.  Quoiqu’il en soit, osez la vérité dans la charité et la charité dans la vérité, elles sont inséparables. Veillez toujours à la posture évangélique avec laquelle vous vous engagez. Et faites confiance à votre discernement. Je m’en réjouis.

+ Olivier Leborgne
Évêque d’Amiens 

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1  Pour des éléments de discernement au sujet de ce projet de loi et l’inquiétude dont font part les évêques d France, voir Mgr Pierre d’Ornellas, Bioéthique, Quel monde voulons-nous ? Discerner des enjeux d’humanité, Bayard – Les éditions du Cerf – Mame, ou la présentation des positions des évêques de France sur la chaine KTO : https://www.ktotv.com/video/00298648/bioethique-les-positions-de-la-conference-des-eveques-de-france-1

Engagez-vous selon ce qu’il vous semble bon.  Quoiqu’il en soit, osez la vérité dans la charité et la charité dans la vérité, elles sont inséparables. Veillez toujours à la posture évangélique avec laquelle vous vous engagez. Et faites confiance à votre discernement. Je m’en réjouis.