Etat d’urgence

Etat d’urgence

Les dernières semaines ont été marquées par une actualité particulièrement difficile. A la colère durable des gilets jaunes s’est ajoutée la fusillade du marché de Noël de Strasbourg. Et pour un certain nombre d’entre nous, cela ne vient qu’assombrir une situation économiquement, socialement ou familialement très précaire.

C’est dans ce contexte de délitement du lien social, de l’action collective, de la sécurité physique, sociale et psychologique, et de l’espérance, que nous allons fêter Noël.

Noël éclaire la situation que nous vivons : « En ceci : croire que le Fils de Dieu a mis ses pas dans les nôtres, si fragiles, c’est savoir que tout est né pour être sauvé, que les êtres finis, avec leurs insuffisances et leurs caries, non pas été jugés indignes de l’Amour de Dieu. »

Nous sommes nés pour être sauvés. Nous le savons. Mais il en faut du temps pour naître à cette réalité du salut, à cette joie de Dieu, pour y croire vraiment. Il faut traverser les murs du mérite, de la culpabilité, de l’utilitarisme, du moralisme, du mépris, de l’individualisme, de notre propre désamour de nous-mêmes, pour commencer à croire à l’incroyable révélation : Dieu met sa joie en moi (cf. So 3,21). Reconnue et accueillie, cette révélation devient un levier extraordinaire de conversion. « Le Seigneur ton Dieu est en toi », et le chemin de la « vie vivante » s’ouvre en nous, et par nous pour le monde.

A l’occasion des fêtes de Noël, je voudrais déclarer pour le diocèse l’état d’urgence.

Nous n’avons pas immédiatement plus de solutions que nos concitoyens et sommes pour la plupart autant perdus qu’eux. Mais nous avons une joie et un trésor, nous nous reconnaissons fils et filles du Père, et frères et sœurs par le Christ. Nous pouvons, nous devons faire cadeau à nos contemporains de cette fraternité.

Etat d’urgence, car nous ne pouvons pas nous satisfaire de bons sentiments. Revisitons notre pastorale à l’aune de cette fraternité. Toute demande de sacrement est en fait une demande d’espérance et de fraternité. Toute demande de catéchisme ou de catéchuménat est bien une demande d’espérance et de fraternité. Même si elles ne savent pas se dire.

Etat d’urgence : la création et la multiplication de fraternités missionnaires de proximité dans la Somme n’est pas une proposition pour ceux qui en auraient le goût ou le temps, elle est une intuition forte reçue à nouveau de l’Esprit pendant le synode, une exigence missionnaire pour les disciples du Christ. Prenons le temps de la vivre, et d’y inviter !

Noël, la fragilité d’un enfant qui porte l’espérance et le salut du monde. Noël, l’Eglise qui se laisse façonner dans sa fragilité pour devenir cette fraternité d’espérance au cœur d’un monde qui n’en a plus guère.

Il y a vraiment état d’urgence.

Joyeux Noël !

+ Olivier Leborgne
Evêque d’Amiens

Noël, la fragilité d’un enfant qui porte l’espérance et le salut du monde. Noël, l’Eglise qui se laisse façonner dans sa fragilité pour devenir cette fraternité d’espérance au cœur d’un monde qui n’en a plus guère..